Issu d’une famille d’artisans ébénistes, tous prénommés Pierre, Pierre IV Migeon est le fils de Pierre III Migeon et de Judith Mesureur. Quatrième de sa lignée, il soulève à lui seul tout l’intérêt des amateurs. Vraisemblablement formé dans la fabrique de son père ou de son beau-père, son activité s’insère dans la première moitié du XVIIIe siècle alors que l’usage de l’estampille se généralise. Si sa date de maîtrise reste hypothétique, sa renommée, elle, est connue par de nombreux meubles signés, réalisés depuis sa fabrique de la rue de Charenton. Ces derniers sont livrés à une riche clientèle aristocratique parmi laquelle on dénombre le duc d’Orléans, la duchesse de Rohan, la duchesse d’Epernon, le maréchal de Noailles mais aussi plusieurs évêques et ambassadeurs. Dès les années 1740, il livre des ouvrages pour le Garde-Meuble de la Couronne et les Menus-Plaisirs. Il bénéficie de la protection de la Marquise de Pompadour. Il possède également de nombreux clients en France et à l’étranger. Si la profession de Migeon est celle d’ébéniste, il exerce aussi en qualité de marchand. Il collabore alors avec de nombreux ébénistes - parmi les plus renommés de son époque - comme Bircklé, Canabas, Criaerd, Jacques Dubois, Lacroix, Saunier ou encore Topino. L’estampille de ces ébénistes est ainsi bien souvent visibles non loin de celle du marchand.
Le Livre Journal tenu par Migeon, qui couvre les années 1730 à 1736, constitue une source manuscrite unique sur la production d’un atelier et commerce d’ébénisterie du XVIIIème siècle. Celui-ci se révèle un atelier particulièrement prospère puisque Pierre Migeon IV livre, selon les années, pour des sommes de 23 000 à 37 000 livres d’ouvrages. Pierre IV se présente à la fois comme un traditionnaliste avec l’emploi de formes anciennes, une impression de force et d’équilibre repris de la Régence et un précurseur avec des décors marquetés ou plaqués novateurs.
De manière générale, ses meubles se caractérisent par une sobriété de ligne et de décor, une élégance discrète, mesurée, marqué par un jeu des décors monochrome, avec des essences de bois de tonalités proches comme le bois de violette et le satiné. Au niveau de la structure, Migeon privilégie les meubles aux lignes marquées – massives et calmes - avec une découpe très masculine, à la base souvent bombée et à la face en arbalète. Il ne néglige pas non plus les lignes plus féminines. Au niveau du décor et des jeux décoratifs, il se présente comme l’ébéniste du placage et à un moindre degré de la marqueterie. Amoureux du bois, il est l’un des premiers à employer l’acajou. L’un des motifs les plus caractéristiques de sa manière est le placage dit en ailes de papillon, obtenu par le découpage oblique du bois. L’ébéniste l’insère de manière récurrente dans une réserve polylobée, elle-même considérée comme une de ses marques de fabrique. Nombre de ses meubles, de la commode Louis XV à l’encoignure, du meuble d’entre-deux au bureau de pente revêtent ainsi ce décor. Même si elles sont moins typiques, Pierre Migeon réalise également des marqueteries de losanges, de cubes ou encore de fleurs de très belle qualité. Ses marqueteries de fleurs – qu’il réalise sans doute le derniers tiers de sa carrière pour répondre aux attentes de sa clientèle - se présentent le plus souvent en bois de couleur sur fond de satiné ou de bois de rose. L’ébéniste les encadrent et les compartimentent par des jeux de rinceaux sinueux aussi bien que soigneux. Migeon favorise la présence des oiseaux qui reviennent régulièrement dans ses compositions. Ces marqueteries florales sont particulièrement visibles sur plusieurs bureaux de pente, tables liseuses, encoignures et secrétaires. La manière de Migeon se démarque, bien que dans une moindre mesure, par des décors en laque de grande qualité.
En ce qui concerne les bronzes, ils sont quasiment absents chez l’ébéniste. Les plus chargés paraissent sur des commodes à trois rangs de tiroirs de style Régence. L’atelier de Migeon a enfin réalisé des meubles de petites dimensions et de formes plus légères – notamment un modèle de secrétaire de forme violonée, des tables liseuses ou encore des bureaux de pente dans le style rocaille. L’ébéniste exécute également plusieurs petits meubles mécaniques, chaises percées et petits meubles de toilette dans lesquels il se spécialise pour fournir les résidences royales.
Après son décès, son fils, Pierre Migeon V, conserve sa fabrique et son négoce, toujours rue de Charenton, mais favorise le commerce des meubles au préjudice de l’ébénisterie.
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